P.-Y. Frei u.a.: Un tsunami sur le Léman

Cover
Titel
Un tsunami sur le Léman. Tauredunum 563


Erschienen
Lausanne 2019: Presses polytechniques et universitaires romandes
Anzahl Seiten
188 S.
von
Yves Gerhard; Yves Gerhard

Voici un bel ouvrage oblong qui présente les divers aspects de la chute d’une paroi de rocher dans le Chablais valaisan, en 563, et de ses conséquences sur le Léman, ressenties jusqu’à Genève. Histoire, géologie, débats savants, tout est répertorié. Deux chercheuses en géologie de l’Université de Genève, Stéphanie Girardclos et Katrina Kremer, ont parcouru le lac en bateau pour analyser les sédiments des fonds lacustres. Les carottes qu’elles ont prélevées dans le sol, sous l’eau, montrent en effet de manière évidente les couches successives, dont l’une, pourtant, n’est pas le fait de la sédimentation. Les savantes se sont en effet rendu compte qu’une strate, nettement plus épaisse (5 m entre Lausanne et Evian), ne pouvait s’expliquer que par l’éboulement subit d’une masse considérable de roches et de sable, provoquant ce qu’on appelle un tsunami, mot japonais vulgarisé par la vague géante qui a ravagé l’Océan Indien en 2004.

L’enquête se poursuit par l’examen des deux passages tirés des chroniques de Marius d’Avenches et de Grégoire de Tours, attestant de ce raz-de-marée provoqué par l’écroulement du mont Tauredunum (nom qui n’est connu que par ces deux sources) et de ses effets sur le lac. Même si les textes présentent des variantes et que Grégoire de Tours ne mentionne pas le Léman, mais le Rhône, il est évident que les deux auteurs parlent du même accident spectaculaire de 563. Marius (ou saint Maire) mentionne un fait qui s’est déroulé de son vivant dans son diocèse.

Le chapitre 3 passe en revue les faits historiques, de la victoire de César sur les Helvètes en 58 avant J.-C. jusqu’aux invasions barbares – résumé des évènements qui précèdent la chute de la paroi rocheuse. Puis les travaux des géologues sont repris pour montrer les effets de la vague, qui traversa le Léman en 70 minutes environ et qui atteignit Lausanne avec une hauteur de 13 m et de 8 m encore à Genève, dévastant les villages côtiers et les installations du bord du lac à Genève (églises, pont, moulins…). Le fait que ce tsunami se soit propagé dans un lac fermé, et non dans l’océan, a augmenté encore sa puissance destructrice.

Le chapitre 5 rend compte des débats qui, depuis le XVIIe siècle, ont divisé le monde savant sur l’origine de l’éboulement du Tauredunum. Puis, curieusement, suit un exposé sur la dérive des continents, l’origine des Alpes, les glaciations et les blocs erratiques. Le chapitre 7 reprend la géologie de la plaine du Rhône et des légères collines où sont placés les villages du Chablais entre Aigle et Le Bouveret, notamment Chessel, Crébelley et Noville. Puis on étudie les autres tsunamis du Léman et d’ailleurs, puis leurs effets potentiels sur la ville actuelle de Genève. Notre lac, en effet, reste dangereux ; les parois rocheuses du Chablais valaisan sont instables et restent en permanence sous contrôle. Le dernier chapitre brosse rapidement l’histoire du tourisme et le rôle du lac dans l’admiration des voyageurs et des peintres, inconscients des dangers toujours possibles.

Malgré son plan en dents de scie, ses nombreuses redites et ses maladresses rédactionnelles, l’ouvrage se lit agréablement, et l’iconographie est riche, magnifiquement reproduite. Mais le diable se cache dans le détail : on doit écrire et dire « les villages de Lavaux » (et pas « du ») ; la Table de Peutinger (nom du savant humaniste qui la posséda) ; les thermes romains (pas les termes !) ; les monts d’Arvel (pas Aviel) au-dessus de Villeneuve. Sur les cartes, les noms d’Aubonne (p. 38) et de Rennaz (p. 117) sont mal placés. Les Dents de Morcles ne sont pas dans les Alpes bernoises (p. 103) ! On devra m’expliquer comment une vague se déverse à 51 m2/sec… L’éditeur provient pourtant d’une haute école scientifique ! Les deux passages des chroniques médiévales sont expliqués de manière bien plus claire et intelligente dans l’article de Philippe Schoeneich, Marc Weidmann et Carole Blomjous, pourtant cité dans l’abondante bibliographie (« L’énigme du Tauredunum enfin résolue ? », in : Le Rhône entre nature et société, Cahiers de Vallesia, 29, Sion, 2015, pp. 153-174). Un lecteur attentif trouverait sans doute plusieurs autres bévues et imprécisions. Manque aussi une belle photographie de la Suche, qui domine d’une hauteur de 1150 m Chessel et la Porte du Scex, puisque c’est cette paroi rocheuse spectaculaire qui est responsable en fin de compte du cataclysme du VIe siècle.

Bref, un bel ouvrage de vulgarisation qui aurait mérité un peu plus de soin dans le détail, même s’il éclaire bien les divers problèmes que pose cet éboulement connu par les sources historiques.

Zitierweise:
Gerhard, Yves: Rezension zu: Frei, Pierre-Yves; Marongiu, Sandra: Un tsunami sur le Léman, Tauredunum, 563, Lausanne 2019. Zuerst erschienen in: Revue historique neuchâteloise, Vol. 1, 2020, <https://svha-vd.ch/cr6-pierre-yves-frei-et-sandra-marongiu-un-tsunami-sur-le-leman/>

Redaktion
Autor(en)
Beiträger
Weitere Informationen
Klassifikation
Region(en)
Mehr zum Buch
Inhalte und Rezensionen
Verfügbarkeit